Été indien

suite en vers libres

Tournez saisons
Courez nuages
Voici l’automne
Et son ciel étriqué
À la limite des rayons
(lueur trop instable)
Un seul soleil
Désormais vertical
 
Notes confuses
Au bout d’arabesques dévoilant
Le secret des arbres
La saillie des branches
Feuilles éphémères
Prises au piège
D’un écrin de fièvre
(citrine, opale-flamme, grenat, émeraude)
 
Des oiseaux s’envolent
Nids de vide et de traversée
Les autres restent
Gavés de sève lente
Leurs plumes trop courtes
Tel des ombres rompues
Battent au temps des pluies
Et de la tourbe moite
 
Tournez saisons
Courez nuages
Voici l’automne
Et sa courtepointe au pas des semelles
Entends-tu craquer le silence
De la neige à venir?
L’horizon se dénude
Et se déterre une mémoire
 
La maison se rhabille
Elle serre ses bras d’étoffes
Feutres et laines
En piles oscillantes
Comme une valse à trois temps
Tournez saisons
Courez nuages
Voici l’automne
 
À table, poêlée de légumes oubliés
Rapportés à la faveur du cœur
(ô amie aux cheveux de doyenne, merci)
Et cuisinés sel-et-eau
Leur pulpe exhale les labours vifs d’été
Mais le bouillon brûle
La langue hardie et
Fendille le sang
 
Les lèvres étirent leurs paroles
Au jeu du rire
Au rythme des mains gantées
Et de l’annonce d’un écho
Qui attend sa vaillance
Vois-tu ces rayons encore
Et leurs pointes de feu
À l’entrain de nous deux?
 
Tournez saisons
Courez nuages
Voici l’automne.
 

« Vent du nord », Jean-Paul Riopelle, huile sur toile (1952-1953), crédit photo: La Presse Canadienne, © 2017.

NDLR (Vève): merci à ma cousine MariDo, mon elfe qui vit en Vendée, car je lui dois les vers « Tournez saisons / Courez nuages ». Ils ont déclenché l’écriture de ce poème.

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